samedi 30 novembre 2019

Toussaint de guerre, Toussaint de paix (1918-1919)

   
     En temps de guerre, le thème de la Toussaint et de la fête des morts du lendemain 2 novembre prend une coloration particulière. Les dessinateurs de presse évoquent naturellement les morts au front, le plus souvent par l'intermédiaire des veuves et des orphelins. A l'exception d'un dessin de 1916, cette petite sélection, issue de différents supports, concerne les années 1918 et 1919. Sur neuf dessinateurs dont les dates sont connues, sept sont nés entre 1882 et 1892, c'est-à-dire qu'ils étaient âgés de 22 à 32 ans au moment de la déclaration de guerre. Ils appartiennent à cette génération qui a reçu une formation artistique de type Beaux-Arts et qui se destinait à la peinture.

      Le premier, daté de 1916, est un des rares à caractère pacifiste. Lucien Laforge, pacifiste convaincu, a produit au moins deux autres images de la même veine mais qui connurent le même sort d'avoir leur légende censurée :
- L'une, dans Le Bonnet Rouge du 1er novembre 1916 montrait trois veuves et un enfant dans un cimetière. La Légende "Comme le cimetière s'est agrandi" fut supprimée à la demande de la censure [1].
- Une  autre intitulée "Quatrième Toussaint", dans le journal Le Bloc du 4 novembre 1917 montait aussi une femme en noir, vue de dos, tenant un enfant par la main dans un cimetière ; l'enfant montrant le lointain lui pose sans doute une question qui était énoncée dans la légende censurée. Au demeurant, y avait-il besoin de légende ? [2]

     Tous les autres datent soit de la fin de la guerre, lorsque la victoire est assurée, soit de la première Toussaint de paix.  Le premier anniversaire de l'Armistice est très mal représenté en raison d'une grève des imprimeries qui a affecté la presse du 11 novembre au 2 décembre 1919 [3].

      Comment célébrer cette "victoire endeuillée" ? Les journaux à gros tirage comme Le Petit Parisien ou Le Petit Journal, en position centriste, misent sur le patriotisme et l'hommage aux morts, reflétant ainsi un sentiment largement partagé. D'autres mettent en avant les veuves et font porter leurs interrogations sur ce massacre par des enfants avec leurs questions naïves. Le dessin d'Abel Faivre, dans L’Écho de Paris du 2 novembre 1918 souligne le prix humain de la Victoire. 
Le Populaire, journal du Parti Socialiste, exprime une position pacifiste avec un dessin de Jean Clare, dessinateur peu connu : il met sur le même plan la mère allemande et la mère française et désigne l'ennemi : le capitalisme.

Pendant la guerre

1- Lucien Laforge (1889-1952)

 

 Les Hommes du jour , 11 novembre 1916
 Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 2- Paul Colin (1892-1955)

 
La Grimace , 1 au 11 novembre 1918
 Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 

 3- Abel Faivre (1867-1945)

 

L’Écho de Paris, 2  novembre 1918
 Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

  

4- Georges Barbier  (1882-1932) 

 

Georges Barbier - La Baïonnette , 31 octobre 1918
 Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


 

L'Armistice

5- Georges de Champs (1888-1970) 

 

 L'Oeuvre , 12 novembre 1918
 Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


L'Après guerre

6- Charles Jodelet (1883-1973)


 Le Petit Journal , 2 novembre 1919
 Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


7- Eugène Damblans (1865-1945)


 Le Petit Journal - Supplément illustré , 2 novembre 1919
 Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 

8-Jacques Ochs (1883-1971)


 Le Petit Parisien , 2 novembre 1919
 Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 

9- Guy Dollian (1887-1964)

 
 L'Intransigeant , 2 novembre 1919
 Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 

10- Jean Clare (?-activité repérée entre 1913 et 1932)

 

 Le Populaire , 3 novembre 1919
 Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 

  Notes 

[1] Centre national de documentation pédagogique. La presse pendant la guerre de 1914 1918. [En ligne]. 

 http://www.cndp.fr/crdp-reims/fileadmin/Images/cddp10/Jocelyne/La_Presse_pendant_la_guerre_de_1914_1918.pdf 

Extrait du pdf mentionné ci-dessus.
 [2] Elle est publiée avec un commentaire de Laurent Bihls sur le site du Centenaire :
 https://www.centenaire.org/fr/tresors-darchives/fonds-prives/archives/la-presse-satirique-en-guerre-les-principaux-titres. 
Voir également l'article de Michel Dixmier,  "Lucien Laforge, un artiste révolté contre la guerre" dans : Guillaume Doizy, Pascal Dupuy (Éd.). La Grande Guerre des dessinateurs de presse. Postures, itinéraires et engagements de caricaturistes en 1914-1918. Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2016, 215 p. [p. 159-192].

 [3] Grève des ouvriers rotativistes et linotypistes qui réclamaient une indemnité de vie chère. Pendant cette période, une cinquantaine de journaux ont publié en commun un journal "La Presse de Paris", dont la collection complète est difficile à consulter (certains exemplaires sont en ligne à la place des éditions de chaque journal ; je n'ai trouvé que quelques ex. avec Le Journal des Débats, L’Écho de Paris) Un numéro de La Presse de Paris du 13 novembre (accessible avec Le Journal des Débats) comporte une opinion du Directeur de L'Intransigeant : "la grève subite des imprimeurs a empêché, hier, les journaux de commémorer l'Armistice comme il eût fallu". Dix journaux de gauche (dont L'Oeuvre, Le Populaire, L'Humanité) publièrent '"La Feuille commune" avec l'autorisation du comité des grève: la collection complète est accessible avec L'Oeuvre.